Matin Lunaire
Oberto / Plaid – Matin Lunaire (tu peux cliquer en HD plein écran c’est encore mieux)
Il y a des projets dont on voit la progression depuis le commencement, des bribes d’idées éparses à un produit final de folie. Des trucs qui me parlent, sonnent comme une évidence, parce qu’ils mêlent néons et beauté rousse, club triste et réveil lumineux. Qui parlent de cet entre-deux, ce moment coincé entre la lune et le soleil, notion qui m’est chère, où le temps n’existe plus vraiment, marchepied entre une veille débauchée et une aube vidée de toute âme dans des rues crades d’une mégalopole. Tunnel de Tori fluos pour trip légèrement drogué, Matin Lunaire retient aussi évidemment l’attention par la présence de Plaid, désormais habitué aux soundtracks, pour une cavalcade émo-fragile-téchno parfaite.
Ce qui suit n’est pas vraiment une interview, du moins comme je l’entends habituellement, car personne ne s’est retrouvé autour d’une bière pour discourir pendant des heures. En ce sens, les réponses peuvent sembler succinctes, mais il me semblait quand même intéressant de décortiquer le projet via les deux entités qui ont créé le bordel, histoire de donner quelques clefs que je n’aurai pas pu trouver en écrivant quelques lignes (et pour avoir l’occasion, aussi, de rebondir rapidement sur Reachy Prints). Et puis juste, c’est putain beau, c’est tout…
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– Première question évidente, pourquoi cette collaboration avec un réalisateur français presque anonyme à base ?
(Plaid) Après sa demande, on a fait quelques recherches, et l’on a tout de suite vu que le boulot de Clément était au dessus du lot. Les ébauches du projet étaient prometteuses. De plus, on aime beaucoup composer pour des films, donc forcément heureux de l’opportunité proposée.
– Quelle était l’idée principale de ce court métrage ? Et pourquoi Plaid alors qu’ils n’étaient pas vraiment dans l’actualité il y a 6 mois ?
(Oberto) Matin Lunaire pour moi c’est le moment ou la lune est encore visible dans le ciel en plein jour. On ne sait plus si c’est le matin qui se lève ou le soir qui se couche. C’est cette métaphore que j’ai voulu développer : l’entre-deux, le passage et les brumes de l’esprit.
Pour Plaid, j’adore leur musique depuis des années. La BO qu’ils ont composée pour Amer Béton a su porter le film au delà de tout ce qu’il était possible d’espérer, “white’s dream” par exemple est incroyable, c’est d’ailleurs un des référents donné au début de notre collaboration. Le fait qu’ils sortent un album ou non n’a pas été pris en compte, ce n’était pas le sujet à l’époque.
– Amer Beton, Heaven’s Door, Matin Lunaire… On dirait que votre musique n’est pas qu’un simple habillement d’image, mais participe vraiment à l’histoire du film…
(Plaid) Avec tous les projets que tu mentionnes, on a vraiment travaillé en étroite relation avec le film-maker. C’est difficile de retranscrire l’émotion d’un film en musique, c’est forcément subjectif, mais on fait de notre mieux pour complémenter la vision du réalisateur.
– J’ai cru comprendre que le processus pour choisir l’actrice principale sortait un peu de l’ordinaire…
(Oberto) J’ai découvert Lauren via le profil Facebook de Marielle Loubet (maquilleuse sur Matin Lunaire) avec qui je bossais déjà à l’époque. C’était il y a maintenant quatre ans je crois. J’ai flashé sur une miniature dans ses amis et j’ai cliqué dessus. Dix minutes après je lui écrivais un message pour lui proposer de bosser ensemble. C’est comme découvrir un artiste prometteur pour un label j’imagine, je savais qu’on pouvait faire de grandes choses ensemble ! C’était bien sur sans savoir qu’elle vivait à New-York et qu’il me faudrait attendre deux ou trois ans pour pouvoir la filmer…
– J’ai l’impression qu’il y a une dualité, un coté club-mélancoliquo-poétique dans Matin Lunaire comme dans pas mal de morceaux de Plaid (IO, Nafovanny, Unbank, Marry…) ?
(Plaid) Sortir en club et tout le reste, ça fait vraiment du bien et ça peut vraiment être quelque chose de positif sur un instant T, mais la fête s’arrête forcément à un moment ! Composer, c’est un processus un peu similaire, très positif, inspirant… mais il y a toujours dans la création des espaces éphémères, où une légère tristesse peut se glisser…
(Oberto) L’essence du clubbing c’est sortir de soi et se perdre dans la musique. Se défoncer ça aide c’est clair, mais la poésie dont tu parles c’est la nana avachie dans un canapé trop grand pour elle et le mec qui danse les yeux fermés depuis plus d’une heure… Dans Matin Lunaire il y a de ça c’est vrai; quand tout bascule et qu’on la retrouve toute seule au milieu des lasers sur son travelling invisible. Après je ne vais pas te dire tout ce que j’ai mis dans mon film mais ce passage est exactement l’illustration de ton concept de “club triste” qui colle avec une période bien particulière de la vie.
– Comment le morceau à t’il atterri dans l’album, alors qu’il était clairement composé pour l’album à la base ?
(Plaid) On s’est attaché au morceau, et on était en train de décider du tracklist final de Reachy Prints quand on l’a terminé. Ca correspondait bien aux autres morceaux, et Matin Lunaire était clairement un assez bon titre pour être inclus dans le LP.
– Justement en parlant du tracklist, Reachy Prints est clairement plus direct et condensé que les derniers albums. C’est une tendance que l’on voit pas mal en ce moment, vous vouliez vraiment faire un album plus court ?
(Plaid) – Pas vraiment… D’ailleurs l’album initial était bien plus long, on a finalement abandonné 3 morceaux au dernier moment ! Ils ne rentraient pas vraiment dans la cohérence du tout pour diverses raisons, et on s’est dit que l’album avait bien plus d’impact sans ces 3 morceaux.
– Il y a eu pas mal de réactions par rapport à l’artwork de Reachy Prints, qui sort un peu de l’ordinaire Warp/Plaid…
(Plaid) Les souvenirs, c’est le thème sur lequel on a travaillé avec cet album. L’artwork représente un tournant important dans la vie d’un artiste, une situation de vie ou de mort, et l’importance des souvenirs dans ces moments. La cover semblait parfaitement correspondre au thème de base.
– Sur le sujet du clubbing, question qui me taraude : j’ai entendu un jour un de vos morceau dans un club de strip/sm, pendant un show. J’ai trouvé ça super beau, mais j’ai eu pas mal de réaction après me disant que cette dualité dépréciait le morceau/groupe… Il y a toujours eu ce coté sacré de l’électronica ?
(Plaid) C’est des analogies, des comparaisons qui se créés dans l’esprit des gens, mais la musique reste inchangée quoi qu’il se passe. Tout le monde est en droit d’avoir un avis personnel, mais si quelqu’un passe une musique quelque part, c’est clairement parce qu’ils l’apprécient. Comment cela pourrait être mauvais d’être associé avec le plaisir ?
– Justement, sur les associations, on voit pas mal d’artistes hiphop sampler Plaid, BOC, Aphex en ce moment…
(Plaid) Nos racines musicales sont hiphop, et on en a composé avec des potes avec leur projet Kushti. Il y a cette distinction entre hiphop et rap, et la musique électronique qui nous avait inspiré à l’époque pouvait être aussi labellisée comme hiphop. On n’est pas vraiment bloqué sur un type de musique, les genres, c’est une notion qui ne veut pas dire grand chose.
– Les prochaines étapes ?
(Plaid) une tournée pour défendre l’album sur les prochains mois !
(Oberto) clips, pubs, fictions et voyages.
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